A VELO EN TERRITOIRE
INCA
BOLIVIE - PEROU
BOLIVIE, PEROU : le coeur, le symbole même des Andes,
cette cordillère qui s’étend du Venezuela jusqu’à la Terre de Feu. Même les
Alpes, en leur ajoutant les Carpathes, ne leur arrivent pas à la cheville. Pour
un cycliste, c’est plus que jamais l’occasion de tester les mollets. Je m’en
rends compte, dès le franchissement de la frontière depuis l’Argentine : la RN
9 montait alors paisiblement depuis la plaine, pour atterrir en douceur sur un
haut plateau à 3 500 m, tracé au fil à plomb.
En Bolivie, dès le km 25, ça plonge, ça remonte quatre à quatre, pour mieux
replonger sans filet. Bref, ça n’arrête pas de varier entre 1 500 et 4 500 m
d’altitude, durant un modeste millier de kilomètres. Que n'ai-je un moteur ! Pour tout arranger, la piste devient vite un
horrible assemblage de caillasses qui, par deux fois, me désarçonnent, histoire
de m’apprendre à jouer au Greg Lemond à 4 000 m, avec 2 roues et 55 kg entre
les mains. Fort heureusement, par la suite, je ne fréquenterai plus que de la
bonne piste, et même, ô joie, un peu de route.
LA FETE EN HIVER
Nous sommes en août, soit,
ici, en plein hiver. N’oublions pas que nous avons la tête en bas, sur cet
hémisphère austral. Cela dit, malgré l’altitude, n’imaginez pas un manteau de neige
et des glaçons dans ma barbe en bataille : c’est le sec absolu. Et le froid
glacial la nuit. Mais je ne subis plus les -12° à -18° de l’altiplano argentin.
Août, c’est aussi le mois de prédilection des fêtes en Bolivie - encore qu’il y
en ait toute l’année, il ne faut pas perdre le rythme : le 6 août, fête de
l’Indépendance, le 7 août, jour de la Bannière, le 15 août, procession à la
Vierge de Urkupina, le 25 août...
Les 6 et 7, c’est à Molino
Pampa, village perdu sur l’aride altiplano, que je laisse reposer ma monture.
Un rituel, que j’aurai l’occasion de connaître d’autres fois, de danses, de
spectacles, de musique, de jeux...et de beuverie. Une tradition andine bien ancrée, y compris
du temps des Incas, et on n’oublie pas l’invité quand il s’agit de boire la
chicha (bière de maïs) ou de trinquer avec le singani (alcool de canne). Durant
ces deux jours, j’ai pu laisser en toute tranquillité mon vélo entre les mains
d’une population honnête, chaleureuse. On m’invitera même à jouer au sikus
(flute de Pan) avec le groupe musical...Ce qui n’a même pas apporté de pluie
sur une région qui en aurait bien besoin. Bah, tant qu’il y a la chicha...
A POTOSI, j’arrive dans la
capitale bolivienne de l’étain, gros producteur mondial, après avoir été la
capitale du temps des conquistadores. Ces derniers ont exploité autant qu’ils
ont pu les Indiens, à les réduire quasiment à l’état d’esclaves, avec la
bénédiction des papes de l’époque. Avec la chute des cours des matières
premières, cette ville connaît une crise profonde qui a conduit le gouvernement
à “relocaliser” d’anciens mineurs restés sur le carreau. Dans la pratique,
combien finissent dans les bidonvilles autour de La Paz...
SUCRE, la Cité Blanche,
est sans doute la plus belle ville bolivienne, un havre de paix, le long de la
piste poussiéreuse. La rencontre avec Rosamaria, une prof espagnole, me fait
d’autant plus apprécier cette ville-musée, déchue de son rôle de capitale au
profit de La Paz. Je tourne alors vers COCHABAMBA, ancienne capitale
économique, aujourd’hui détrônée par Santa Cruz, dans le Bassin Amazonien.
Capitale de la délinquence, en tout cas : je manque de m’y faire voler tous mes
papiers et moyens de paiement, accessoirement mon vélo...
LA PAZ
Vite, filons vers mon
domaine de loup solitaire : l’altiplano. D'autant plus solitaire que depuis le
début de mon voyage, à part dans le sud de l'Argentine et du Chili, je n'ai
encore croisé aucun cyclo. Je quitte les modestes 2 500 m d’altitude
de cette ville, pour me hisser à 4 500 m. De la chaleur épaisse, je repasse au
froid nocturne, et même à la neige, une nuit à 4 400 m sous ma guitoune. Faudra
que je songe à équiper mon vélo de skis. Ce temps inconfortable m’accompagnera
gentiment jusqu’à La Paz, où une famille Française m’accueille.
LA PAZ est une ville au
site étonnant : plus haute capitale au monde avec ses 3 600 m, elle est en fait
au fond d’un abîme en chute libre, dominée par l’immense bidonville de El Alto
à 4 100 m, et plus encore par la Cordillère Royale, aux allures d’Alaska vue
depuis l’altiplano. Le col de La Cumbre, à 4 643 m, me permet de plonger
momentanément dans les Yungas, cette région tropicale à 1 000 m d’altitude, à
seulement 80 km de La Paz...Chaleur au programme, végétation exubérante, faite d’orangers, de bananiers...et de
champs de coca, parfaitement légaux, ceux-là. La feuille de coca est une
culture traditionnelle des rebords orientaux des Andes, et la cocaïne n’en est
qu’un produit dérivé parmi d’autres. En fait, les Indiens sucent la feuille de
coca tout comme nous fumons une cigarette ou buvons un café. Les raisons et les
conséquences ne sont pas loin d’être les mêmes : finalement, l’Indien consomme
la coca essentiellement à cause du stress !
Rude remontée sur la
Cordillère Royale, pour revenir sur La Paz...Je reviens des Yungas avec une
magnifique diarrhée, qui m’assommera pour trois jours. L’eau ? Une salade
contaminée ? Impossible de savoir. Voyageant à vélo, vivant dans des conditions
proches des habitants du pays, il est difficile de faire attention à tout. Car
on ne fréquente guère les hôtels de standing (rares, de toute manière) ;
surtout, se rendant d’une ville à l’autrre, il faut 3, 4, 5 jours voire plus, à
boire l’eau qu’on nous offre, tirée d’un seau, manger dans des petits
restaurants à l’hygiène douteuse, camper parmi des myriades d’insectes...
C’est à peine remis sur
mes deux roues que j’amène le vélo à côtoyer le ciel, par une piste menant à 5
370 m, un des plus hauts sites au monde accessible à vélo. Avouons-le, à cette
altitude, habitude ou pas, le souffle est court, les muscles sont douloureux,
mais quelle joie de se trouver parmi cet immense gâteau nappé de crême
neigeuse. Et combien El Alto au loin parait bien en contrebas, avec ses
modestes 4 082 m...
LA PERLE DES ANDES
Mon itinéraire me fait
atteindre le Pérou, via le sanctuaire de COPACABANA, dernière ville bolivienne
sur les rives du Lac Titicaca, et qui a donné son nom à une célèbre plage
carioca. Un jour de marche me permet de partir à la rencontre de l’Ile du
Soleil, finalement pas si touristique que ça, côté affluence : le bateau
partant de Copacabana est bien cher, et rares sont ceux qui vont dénicher une
barque dans un petit port local, à 20 km par une mauvaise piste. Approche d’une
communauté insulaire ayant conservé bien des traditions séculaires, notamment
dans le travail quotidien des petites parcelles délimitées par des murets de
pierre, avec des outils qui existaient déjà du temps des Incas. la
moissonneuse-batteuse n’est pas encore de mises sur ces petits lots patiemment
entretenus sur des pentes abruptes.
Le Lac TITICACA, à 3 810 m
d’altitude, est le lac de cette importance le plus haut au monde. Véritable mer
intérieure, aux allures de Méditerranée avec cette végétation odorante, ce
soleil permanent, cette douceur insolite à cette altitude; il y rêgne un air de
vacances perpétuelles. PUNO, première ville péruvienne, n’a pourtant rien de très
affriolant. C’est surtout un ponton d’accès aux îles du lac, dont les îles UROS
: des îles dites flottantes, construites exclusivement avec des roseaux; le
sol, les maisons, les barques...même l’alimentation inclue ces totoras.
Ca n’a strictement aucun goût, mais il parait que c’est nutritif. En fait, ces
îles vivent aujourd’hui grandement du tourisme envahisseur, inquisiteur,
indiscret (dont je fais partie). Où est l’esprit de leurs ancêtres, qui avaient
bâti ces îles au large de Puno, afin d’échapper à l’envahisseur Inca ?
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EL CUSCO
Au-delà de JULIACA, je
quitte le Lac Titicaca, et fais connaissance avec les pistes péruviennes : avec
l’approfondissement de la crise ces dernières années, les routes ne sont plus entretenues,
et j’ai la furieuse sensation de participer à un Paris-Roubaix. On me signale
surtout que je pourrais bien me faire attaquer en chemin. En fait, je vais
surtout croiser des gens chaleureux, hospitaliers, exubérants, honnêtes, bien
loin des commentaires peu flatteurs actuellement en vogue à propos de ce Pérou,
émis par des gens le traversant à toute vitesse, sautant d’un site
archéologique à un musée, sans prendre le temps de rencontrer la population.
CUZCO, El Cusco (ou Cosqo)
comme disent les Péruviens, “la” ville andine et indienne par excellence. Un
mélange de fondations incas avec ces murs anti-sismiques ayant résisté à
l’épreuve du temps, et de la période coloniale, ayant donné cette profusion
d’or, d’argent, de sculptures sur bois dans les nombreux églises et couvents.
Cette ville est surtout l’accès aux ruines incas des environs, dont le fameux
Machu Picchu.
En hors d’oeuvre, je
parcours la Vallée Sacrée des Incas : Sacsahuayman, Kenko, Machaytambo, Pisaq,
Ollantaytambo, autant de vestiges d’un empire déchu, mais donnant une idée du
stade de développement atteint par cet empire. Architecture sobre, efficace,
systèmes d’irrigation, terrassage des pentes pour utiliser un maximum de
terres...Les Andes d’aujourd’hui paraîssent même parfois en recul par rapport à
cette époque. Que serait-il arrivé, sans l’interruption provoquée par les
Espagnols ? Un autre envahisseur,
probablement...Dans quelques vallées perdues, vers lesquelles j’aventure
un peu mes roues, je croise des Indiennes aux parures magnifiques, mais très
craintives face à l’Etranger. Je suis l’envahisseur, malgré moi.
Depuis OLLANTAYTAMBO, 2
800 m, l’unique accès à Machu Picchu est le train venant de Cuzco. Mais je me suis
mis dans la tête d’arriver à l’ex-cité impériale à vélo. Me voici donc embarqué
dans une odyssée, par une mauvaise piste flirtant avec les nuages à près de 4
200 m, pour plonger dans le riant Bassin Amazonien, le tout pour finir par
pousser durant une journée le vélo sur une file de rails ! Aucun autre chemin
possible. Je ne suis heureusement pas sur une ligne de banlieue au trafic
cadencé, ni sur une ligne TGV, et j’ai le temps de m’écarter des ponts-pièges
(étroits) avant le passage d’un tortillard bondé, gens suspendus aux portières,
comme il est normal ici.
LA CITE IMPERIALE
Il ne reste plus alors
qu’à remonter les 8 km de piste depuis la station ferroviaire, jusqu’aux
célèbres ruines. Le site est exceptionnel: haut perchée au-dessus d’un virage
du Rio Urubamba, la Cité Impériale est plantée dans un décor de dessin
d’enfant, avec des monts arrondis élancés vers le ciel, comme autant de gros
doigts. Dans la couverture nuageuse à l’arrière-plan, on devine de hauts pics,
qui gardent leur mystère. La dernière demeure des Incas, peut-être ?
Quant aux ruines, elles
sont magnifiques, et “bien que” leur image soit très popularisée, elles ne
déçoivent pas. Elles ont fait, et font encore l’objet d’une restauration
soignée, d’un entretien délicat : en cette période déjà hors-saison (octobre),
il y a pour ainsi dire moins de touristes que d’ouvriers, ces derniers occupés
à numéroter chaque pierre d’un mur, d’une maison qui menacent de s’écrouler
après 500 ans de bons et loyaux services. Ce, afin de les démonter, pour plus
tard les reconstituer à l’identique. Les Incas avaient ainsi étendu à tout leur
empire une technique d’architecture (dont les fameuses portes et “fenêtres”
trapézoïdales) destinée à résister aux nombreuses secousses dans les Andes.
Retour sur Cuzco, en
reprenant ma formule particulière de train + vélo, puis une banale piste de
terre, enfin sur le goudron ferme. De Cuzco, deux possibilités s’ouvrent à moi
: soit revenir de 100 km sur mes pas, pour descendre par une mauvaise piste sur
Arequipa, et filer sur Lima, par la désertique et monotone panaméricaine.
Mmouais...Ou alors, option aventure, m’élancer sur la Piste des Andes, désertée
par les touristes, depuis que le Sentier Lumineux a décidé que la démocratie
était le pire moyen de gouverner les hommes.
LA PISTE DES ANDES
C’est bien sûr cette
option qui l’emportera : 16 jours de pistes quelquefois bonnes, le plus souvent
défoncées, suite à un manque criant d’entretien, des variations incessantes
d’altitude entre 2 000 et 4 000 m, voire 5 000 m. Sans doute une des “routes”
les plus dures au monde, avec 17 000 m de montée cumulée sur moins de 1 000 km.
Mais un accueil chaleureux d’une population plus guère habituée à voir passer
un gringo, encore moins à vélo ! Cependant, à ANDAHUAYLAS, j’ai la tête rentrée dans les épaules,
à en toucher le guidon : non loin de là, il y a 9 mois, deux Français s’y sont
fait tuer, bêtement pourrait-on dire, alors même qu’ils allaient sortir de la
zone à risque. Eux qui avaient porté sur le cahier de l’Office de Tourisme de
Ayacucho: “pas vu de terroristes”. Hélas...
C’est justement en
approchant d’AYACUCHO que le danger se précise: 50 km à plus de 4 000 m,
complètement désertiques; un silence de mort. Ah non, tiens, non loin, une
mitraillade, preuve que je ne suis pas seul...Un peu plus loin, 5 types armés
de fusils automatiques, cagoule sur le visage, me tombent dessus. Fort
heureusement, et malgré leurs tenues incertaines, ce sont des policiers qui me
demandent s’”ils” ne m’ont pas attaqué, avant. Ben non, pas cette fois. Les
rares chauffeurs de bus, de camions, n’arrêtent pas de me dire que la zone est
vraiment dangereuse, qu’”ils” attaquent ici même en plein jour. Autant dire
que, l’imagination courant, chaque buisson se balançant au vent, chaque vache
remuant une oreille, chaque rocher un peu sombre devient à mes yeux un
terroriste. Suis-je cependant si laid pour qu’ils m’évitent ?!!
Au-delà d’Ayacucho, ils
n’attaquent pas de jour, mais de nuit les véhicules de passage. Cette nuit, ils
opéreront près d’un pont, à 1 ou 2 km de ma tente plantée parmi les ruines
d’une ferme. Enfin, au Paso Chonta, à 4 853 m, sous la grêle, je rencontre
encore des types en armes. je n’ai pas l’impression qu’il s’agisse de
policiers, mais n’insistons pas dans mes investigations, je n’ai pas envie de
faire la descente avec du plomb dans l’aile, le vélo est déjà bien assez lourd
comme ça.
Et la zone en état
d’urgence dure ainsi sur près de 900 km jusqu’à HUANCAYO, qui paraît être
aujourd’hui avec Huanuco le foyer principal d’une guerrilla violente que les
services d’ordre semblent avoir du mal à combattre. La Selva (Amazone) est
proche et vaste. En fait, tout le pays semble peu à peu gagné par le mal, jusqu’à
la Côte, avec les voitures-bombes à Lima, dont les rues sont parcourus par des
véhicules blindés, comme à Ayacucho ; ou les coupures d’électricité suite à un
attentat, comme à Huaraz ou Trujillo. C’est un pays en état d’alerte, frappé
par une noire crise, où pourtant les gens continuent de sourire à ce curieux
cycliste un peu fou de rouler sur cesroutes si dures, si mauvaises, si
dangereuses.
LIMA
Lima
possède une série de musées magnifiques portant sur l’archéologie, et pourtant
pas un ne se ressemble. Je vous recommande le tout nouveau Musée de la Nation
(différent du Musée National !), conçu selon les derniers critères en vogue en
muséologie, très didactique, très varié : bref, rien à voir avec un entassement
de poteries dans des vitrines poussiéreuses, sans explication pour le profane,
accessible seulement pour le spécialiste, mais au contraire un ensemble vivant,
informatif. Au nord de Lima, il n’est guère question pour moi de poursuivre la
piste des Andes : depuis Ayacucho, j’ai pu me rendre compte que la saison des
pluies a commencé, et que les pistes deviennent parfois impraticables. Je me
résouds donc à ne fréquenter que la Panaméricaine longeant la Côte, désertique,
recouverte en permanence d’une brûme donnant à ce littoral un air triste.
C’est pourquoi je
m’accorde toutefois une dernière escapade dans la montagne, histoire d’avoir vu
le CALLEJON DE HUAYLAS : après une ascencion mémorable depuis le niveau de la
mer jusqu’à plus de 4 000 m, apparaît la Cordillère blanche, la chaîne tropicale
la plus haute au monde, en permanence recouverte de neige, encore plus avec la
saison des pluies débutante. Curieusement, dans les Andes, c’est durant l’été
austral, correspondant à notre hiver, qu’il fait justement un temps
d’hiver...Ce ne sera qu’une incursion humide, et dès HUARAZ, j’oblique de
nouveau vers la Côte, non sans avoir connu là aussi une situation tendue : policiers armés, postés en vigie à
certains cols, sentinelles armées sur d’autres...et mitraillades le soir,
autour de la ville. Un peu d’ambiance, que diable, c’est mort, cette ville...
CHATEAUX DE SABLE
A TRUJILLO, ce sont les
cultures pré-incas qui ont laissé des traces: les lointains Mochicas, avec
leurs impressionnants huacas (temples) de la Lune et du Soleil. A peine moins
lointains, les Chimus avec leur Cité Royale de Chan Chan, une merveille
d’architecture urbaine planifiée, et de
décorations sur les murs. Hélas, tous ces monuments faits tout de boue (en brique
d’adobe, terre non cuite), tendent, lors de rares mais diluviennes pluies, à se
transformer peu à peu à l’état de nature : chateaux de sable emportés par le
vent marin. Après eux, le déluge?
C’est à Trujillo qu’une
voiture me grille la priorité (si tenté qu’un cycliste puisse se prévaloir
d’une priorité, en Amérique du Sud...), et me rentre dedans. Tout juste si je
ne me fais pas insulter par la conductrice ! Ce n’est qu’après que je
constaterai les dégâts : non seulement le porte-bagage avant a pris un coup,
mais surtout le cadre, fendu non loin de l’intersection des tubes. A TUMBES, un
soudeur me posera gratis un renfort, qui me permettra de tenir...jusqu’où ?
Au nord de Trujillo, je
mets enfin les pédalées doubles : mon visa expire bientôt. Pour avoir cependant
un handicap supplémentaire dans ma chevauchée qui n’a rien de fantastique, je
prends par erreur l’ancienne panaméricaine, entre Chiclayo et Piura: 250 km un
peu délaissés, ou carrément redevenus piste, suite aux inondations datant des
terribles effets du Nino, en 1983. Parce qu’en plus, dans ce pays, ils
“bénéficient” de calamités naturelles...C’est ainsi que je quitte le Pérou le
dernier jour, à la dernière heure: 30 minutes plus tard, et j'aurais dû
payer 20 dollars.
Désormais, c’est l’EQUATEUR,
relatif hâvre de paix, mais à la population moins exubérante, semble-t-il. Le
Pérou, malgré ses multiples problèmes paraissant insurmontables, est pour le
voyageur une source de satisfactions:
partir à la rencontre de civilisations qui ont laissé des chefs
d’oeuvre, partir à la rencontre des fabuleux paysages des Andes, enfin, partir
à la rencontre d’une population accueillante, chaleureuse. Certes, de ci de là,
certains cherchent à en tirer profit, en particulier dans les villes. Dans les
campagnes, les montagnes, il en va tout autrement. J’espère bien avoir
l’occasion de retraverser ce pays, et tant mieux si d’ici là, la situation
s’améliore.
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