ELOGE AUX COLS, ELOGE A L'ECOLE HORS LOGIS

 

Ah, les cols ! Généralement, la première fois qu'on en entend parler, c'est à propos du Tour de France, avec les héroïques étapes de montagnes et les non moins héroïques franchissements de fameux Galibier ou Tourmalet par quelque obscur sans-grade soudain révélé avec 15 mn d'avance sur le peloton. A partir de là, il n'est pas difficile d'imaginer qu'un jour ou l'autre, de nombreux cyclos en herbe voudront s'affronter à ces mythes, faire autant que ces grands du vélo de course.

Après s'être mesuré sur ces parcours initiatiques tout comme l'automobiliste moyen se précipite sur la piste une fois les 24 heures du Mans terminées, on se rend compte qu'au-delà de cette façade sportive, tout un monde apparaît : la nature, ces petits villages de vallées enclavées, chacune si particulière, la géographie et l'hydrologie qui nous apparaissent dans toute leur complexité, sans compter la climatologie et le...sens du vent. Et voilà comment l'on finit par sombrer dans la montée des cols à répétition, comment on se retrouve colomaniaque aigu, comment on passe ses chaudes soirées d'hiver à peaufiner les parcours de la saison suivante dans les montagnes de France ou d'ailleurs. Et l'on se rassure vite, en constatant qu'il existe quelques autres dingos de son espèce, notamment les "Cols Durs", et surtout la "Confrérie des Cent Cols".

Franchir un col, qu'est-ce ? C'est, toute proportions gardées, la même ivresse que l'alpiniste, qui "vainc" un sommet. Vaincre la montagne : un de ces lieux communs qui prend pourtant toute sa force lorsque, au détour d'une interminable route (ou piste, ou sentier...voire rien du tout) en lacet, on arrive enfin...au sommet, celui de la route. Plus que vaincre la montagne, c'est se vaincre soi-même, vaincre sa flemme qui ferait bien rester chez soi tranquillement ou à la rigueur monter le col en voiture, vaincre la pesanteur de notre planète et la pesanteur de nos habitudes, vaincre...ouh la la, je me laisse emporter par le lyrisme vélocypédique, moi.

Atteindre un col, c'est aussi jeter un oeil par une nouvelle fenêtre : tout le temps qu'on roule dans une vallée, on ne voit que le paysage de cette vallée, tout en se demandant bien ce qu'il y a par-delà les montagnes : un autre monde ? Et à chaque fois, on renouvelle Alice au Pays des Merveilles, en se dirigeant vers cette autre vallée, cet autre monde. Certes, l'herbe n'y est pas forcément plus verte, quand même on ne revient tout simplement pas à la vallée de départ , à la fin d'un circuit en boucle ! Mais le plaisir de la découverte reste intact, km après km, col après col, monde après monde.

Quand on gravit, fenêtres fermées et à vive allure, ces routes de montagne, toute la magie disparaît, l'effort de la montée n'est même plus sensible. Quand, d'avion, on aperçoit des montagnes, réduites à des patées de sable, et les routes sillonnant leurs flancs, ces mondes d'enfant disparaissent, aplanis par la distance de l'altitude. La montée à vélo des cols ne resterait-elle pas l'un de ces trop rares prés carrés d'innocence en nous-mêmes, dans un monde de plus en plus prosaïque et désenchanté ?

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